Loge privée N°7

Le monégasque sentait le pilote italien arriver à son niveau. Ce dernier avait l'air très concentré, conformément à sa conférence de presse. D'apparence, il avait l'air d'être un garçon assez posé, c'était en tout cas ce qu'il dégageait face aux journalistes. D'un sourire, Edouard prenait la parole.

- Alors ? Pas trop stressé ? Enfin, ne me dis pas non, tu me mentirais. Je pense que tout le monde l'est, même Senna. Cette excitation... Elle ne disparaît pas avec le temps, forte heureusement.

Ses yeux ne quittaient pas la piste, comme s'il lui parlait via la baie vitrée. Bientôt, ils seraient à bord de leurs monoplaces à s'affronter. Mais pour le moment, on pouvait toujours discuter pour détendre l'atmosphère.

- Hm, pardon ?

Revenant à la réalité, l'italien met quelques secondes à comprendre ce que le monégasque venait de lui dire. D'un geste de tête accompagné d'un haussement de sourcils, Alessio confirme les dires de son futur rival.

- Stressé je ne sais pas, pressé, oui sûrement.

Après un silence pesant pour les deux personnes, Alessio finit par aborder ce qui lui torturait l'esprit. Un sujet qui était en réalité beaucoup moins grave que ce qu'on pouvait attendre si on faisait attention à ses expression faciales. Alessio n'était pas un acteur mais presque, un italien qui aimait jouer ou surjouer, un italien classique, en somme.

- Comment Benetton ont pu choisir Ervin,.. Elsing.. C'est quoi son nom déjà ? Je n'en reviens toujours pas. Il n'a aucun talent, aucune technique. Je comprends pas... mamamia...

Le jeune homme retire sa casquette, passe une main dans ses cheveux puis la replace. Il tire ensuite sur le haut de sa combinaison pour l'enfiler correctement.

- Quelle chaleur...

Un instant, le natif de palerme semble avoir changé de sujet, mais celui-ci revient sur la table avant même d'être débarrassé.

- Je vais leur montrer que c'est un imposteur. Aujourd'hui. Il n'a rien à faire en F1, pf... dit-il de plus en plus bas, semblant se parler à lui-même.

Après s'être déchainé contre le vent et avoir exprimé sa frustration, le pilote tourne la tête pour observer Edouard.

- Vous aimez cette piste ?

Edouard haussait un sourcil. Il ne connaissait ni Ervin, ni Elsing. Ah, à moins que... Edouard avait un petit sourire en coin.

- Erskin... ? Ah, oui. Il paraît que vous vous connaissez bien...

Aucun talent, aucune technique... Ce n'était pas tout à fait vrai. Erskin était bien des choses, on pouvait notamment pointer sa conduite très agressive qui lui avait valu de nombreux reproches la saison passée en F2, il n'en était pas moins talentueux, il fallait l'admettre.

- La F2 n'a rien à voir avec la F1. Pour certains, le passage entre les deux se fait très bien. Pour d'autres... Ils n'y arrivent juste pas.

C'était donc ça, ces motivations ? Battre son rival Daniel Erskin ?

- Tu ne devrais pas faire un focus sur lui. Regarde plutôt les Prost et les Senna. Lui, il n'a encore rien prouvé. Enfin, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils...

Ses yeux balayèrent une nouvelle fois la piste suite à la question d'Alessio. Le Brésil... Il avait déjà roulé quelques fois là dessus. Il appréciait assez ce circuit, finalement.

- Oui, j'aime assez. La ligne droite du Juncao te permet des dépassement assez faciles si le moteur de ta monoplace est assez puissant. Onze virages, mais pas très serré, ce qui te laisse une certaine marge de manœuvre... Il y a pire, comme circuit. Mais tout dépendra de la monoplace, j'ai hâte de savoir ce que Minardi me réserve...

En réalité Alessio se souvenait très bien de lui et de son nom, mais il préférait ne pas l'admettre par fierté. L'italien avait sûrement disputé le meilleur championnat de sa vie la saison dernière, mais la défaite dans le sprint final n'avait laissé qu'un goût amer dans la bouche du pilote.

- On ne se connait pas non, enfin de vue, à peine. Bien sûr qu'il n'a rien prouvé, il était simplement chez la meilleure écurie,... et même avec l'avantage matériel il n'a pas creusé d'écart sur la saison.

La mauvaise foi était un de ses vilains défauts, mais fallait-il encore le percevoir.

- J'y arriverai, j'ai confiance.

Le jeune homme était un habitué des podiums, des pelotons de tête, il ne laisserait pas la F1 l'en écarter. Alessio laisse ensuite son camarade parler, plaçant les conseils dans un coin de sa tête tout en observant la piste. L'italien ne peut s'empêcher de sourire à l'évocation de Minardi, sans peur de vexer son interlocuteur.

- Vous pensez réellement qu'ils vous réservent quelque chose ?

Peut-être qu'Edouard le prendrait comme un manque de respect, mais Alessio n'était pas du genre à prendre des pincettes.

- Vous étiez bon, vraiment, mon père vous adorait, vous méritez mieux comme écurie. Enfin, si vous n'êtes pas trop rouillé. ajoute-t-il dans un sourire mi-compatissant mi-moqueur.

Ses yeux se déplacent en direction des stands qu'ils pouvaient voir de la loge. Son équipe semblait être en pleine installation, préparant les essais.

- Je suis impatient. Tout ce que je désire c'est une bonne adhérence et une puissance suffisante pour concurrencer n'importe qui.

Le talent parlerait ensuite. Même s'il fallait se l'avouer, McLaren semblait intouchable pour l'instant, même pour Alessio et son égo surdimensionné.

Un petit sourire discret apparaissait sur le visage d'Edouard. Leur rivalité était déjà construire, il ne restait plus qu'au temps de faire son travail. Les journalistes allaient sans aucun doute avoir de quoi se mettre sous la dent.

- Personne ne se souvient de tes titres de F2 à la fin de ta carrière. Ce qui compte, c'est uniquement la F1. C'est triste, mais c'est vrai.

Un petit rictus s'échappait ensuite de la part du monégasque à l'évocation de ce qu'allait lui réserver Minardi. C'est sûr que ce n'était pas une Mclaren...

- Je leur suis vraiment reconnaissant de me donner une place de F1, c'est bien la seule écurie qui m'a fait confiance... Il faut dire qu'après 9 ans sans rien faire... Mais entre nous, je ne m'attends pas à gagner un titre cette année ! On verra bien. Mais ouais, je compte peut-être pas faire ma carrière chez Minardi.

Il rigolait discrètement. Ce n'était pas vraiment drôle, en faite, et il s'était déjà préparé mentalement à se faire dépasser par des pilotes plus mauvais que lui, juste car ils avaient une meilleur monoplace, mais bon. Il fallait recommencer par là ! Son sourire ne disparaissait pas à la suite des paroles d'Alessio qui lui faisait plaisir.

- Ah... Ton père est un homme bon ! Les dédicaces, c'est après la course, par contre... Je plaisante, bien sûr.

Le regard du monégasque suivait celui de l'italien pour observer les stands. Son équipe noir et jaune semblait également d'attaque, ce qui était une bonne chose. Tout ce qu'il souhaitait dans un premier temps, c'était d'avoir une monoplace sans problème mécanique...

- C'est ce qu'on désire tous... J'aime bien me dire que chaque mécano, chaque membre du staff, font de leur mieux non seulement pour nous, pilotes, mais aussi pour garder leur métier, tout simplement. Ils ont tout intérêt à faire du bon boulot !

Il rigolait à nouveau. Peut-être sa façon de décompresser avant sa course...

La remarque du pilote monégasque rend le sourire au jeune homme, car il était vrai que personne ne retiendrait la victoire de Daniel Erskin en F2. Tout était à faire, et il comptait bien prouver au monde que Benetton avait misé sur le mauvais cheval. Alessio hoche doucement la tête avant de la tourner en direction de l’horloge au mur.

- Il va falloir que les rejoigne, mes mécanos, et j'espère que, comme tu le dis, ils tiennent à garder leur boulot. Oh Dio, je commence déjà à m’imaginer les pires scénarios, ils vont m’entendre si les performances ne suivent pas ce qu’ils m’ont promis à la signature.

L’italien avait une exigence aussi importante que son égo, et ne s’en cachait pas. S’il faisait tout pour être parfait sur la piste, il attendait un travail tout aussi qualitatif de la part de son staff.

- À bientôt, et bonne chance avec Minardi. ajoute-il dans un sourire assumé avant de quitter la loge en direction de la piste.